Artiste-auteur & tatoueuse

Mon travail s’articule principalement autour du geste libre et spontané, que ce soit dans la peinture ou l’écriture. Mon intention reste la même dans toutes mes pratiques : Retranscrire d’une manière vive, puissante et incarnée un ressenti, une perception ou une connexion avec le présent. Je travaille mes peintures principalement à l’encre et l'aquarelle, ce qui me permet d’avoir une multitude de rendus de la couleur : à la fois floue et compacte, à la fois profonde et diffuse. 

Pour bousculer ma technique et l’ennui que celle-ci me procurait, j’ai choisi au commencement de travailler avec le procédé du batik*, qui est une méthode textile de réserve par de la cire chaude. En peignant autour et avec ces dépôts de cire sur mon papier, j’ai obtenu des flous, des accidents, un rendu absolument inattendu et c’est ce dont j’avais besoin. En réussissant à adapter cette pratique textile au papier, j’ai trouvé un nouveau territoire pictural qui me permettait d’inventer et de me réinventer. Ça a été le début des émotions pour moi en peinture. 

“ La ritournelle est une forme de retour ou de revenir, lié à la territorialité et à la déterritorialité, et fabricant du temps.” **

La pratique du tatouage a été un tournant décisif dans mon travail pictural et dans sa relation au vivant. Mes flashes sont le plus souvent créés dans l’impulsivité, ils sont la retranscription d’un souffle, d’un instant qui s’anime et prend tout son sens lorsqu’il s’inscrit dans une peau. Mes dessins sont pour la plupart d’ordre organique, puisant leur source dans la nature, avec laquelle j’entretiens une relation très intime. Ayant grandi dans une famille d’agriculteurs, j’ai pendant longtemps errer sans comprendre pourquoi je n'étais pas moi-même agricultrice, malgré mon attachement viscéral aux plaines. Ce thème est prédominant dans mon écriture. En 2022, j’ai compris que j’avais été victime d’inceste. Si j’en parle, c’est parce que la création m’a toujours aidée à vaincre, et que la place que j’ai pu laissé à mon inconscient a été salvatrice et m’a montré ma pulsion de vie. Le traumatisme a également défini jusqu’alors ma relation aux couleurs et à l’imaginaire. Jusqu’ici, j’étais bloquée, plus tout à fait enfant, pas tout à fait adulte, et mon rapport aux coloris était primaire, le rendu de celles-ci brute et brutal. Depuis, j’essaie de m’approprier la nuance et les teintes naturelles, qui étaient impossibles à exploiter pour moi auparavant. Dans ce qui est de mon rapport aux formes, à l’abstraction et la figuration, j’aime passer de l’un à l’autre et les liés intimement, comme pourraient l’être les souvenirs. Au fur et à mesure de mon avancée, je débloque un nouvel imaginaire qui était jusqu’alors verrouillé. La forme spontanée me permet de laisser toute la place à celui-ci, qui se peuple petit à petit, d’animaux, de matières et de paroles. Par ce biais, par la répétition de mon geste écoutant sa propre musique, j’espère me réapproprier mon enfance et mes racines. 

Grâce à mes peintures, je fais un pied de nez à l’académisme, sans pour autant délaisser la tradition. Mes créations sont impactantes, musicales et singulières. Le nouveau territoire que je crée, à la manière d’une sortie du déni d’inceste, transcris un changement radical mais cohérent, dont le nouveau souffle commence maintenant. 

* Le batik Indonésien, inscrit en 2009 au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité

** Gilles Deleuze, “Mille Plateaux, capitalisme et schizophrénie 2”, éd. de minuit, 1980